Blaise Compaoré n’est plus président du Faso. 48 heures auront suffi à une
jeunesse déterminée pour en venir à bout de celui qui s’est maintenu 27 ans au
pouvoir après avoir renversé son ancien compagnon de lutte, Thomas Sankara, le
révolutionnaire.
Il est trop tôt pour crier à une victoire totale. Les difficultés
politiques et militaires faisant suite aux printemps arabes commandent à la
prudence. L’Afrique noire avait déjà été visitée par un vent d’espoir lors des
soulèvements démocratiques des années 90. Mais la stagnation politique,
économique et sociale qui en a résulté n’a pas été à la hauteur des attentes.
Sans compter que l’opacité des négociations entre les leaders de l’opposition
burkinabè, les chefs militaires, Blaise Compaoré… et l’ambassadeur de France
ayant eu lieu sous le parrainage du Mogho Naba est suspect. Quels compromis
a-t-on fait pour qu’un ancien aide de camps de Compaoré, en l’occurrence le
général Honoré Traoré, se proclame président de la transition, alors que la foule
rassemblée semble avoir porté son choix sur Kouamé Lougué, chef d’Etat major déchu? Dans
tous les cas, les conditions de transparence devront être garanties. Enfin, quel
est le rôle de la France dont les chaînes radio et télévisées cachent à peine
leur hommage à Blaise Compaoré, cette marionnette de France en Afrique de l’ouest, l’auréolant
des titres de « stabilisateur » et de faiseur de paix dans la sous-région?
Nonobstant tous ces points d’ombre, il y a des raisons d’être fier du pays des
hommes intègres. La tenue d’ensemble du mouvement est appréciable. Les forces
vives et l’armée, clés de voûte de cette révolution, ont fait preuve de retenue
à l’égard de la population, quoique d’abord hésitantes, voire répressives. Elles
ont évité des combats généralisés entre soldats fidèles des camps opposés. Elles
méritent le qualificatif de « forces citoyennes ». Mais le plus grand
honneur revient à ces masses qui se sont levées comme un seul homme, mobilisé par "le balai national" dans les villes
du pays : Entres autres Ouagadougou, Bobo Dioulasso et bien sûr Koudougou « la
rebelle ». Elles scandent un message clair à l’endroit des potentats qui
caressent l’idée de se maintenir indéfiniment au pouvoir en tripatouillant la
constitution : « C’en est trop ! Le pouvoir appartient au
peuple. Il le donne à qui il veut. Qui tente de le confisquer crée son propre
malheur ». Cela est également un message implicite aux peuples qui
hésitent à revendiquer leur droit : « Vous aussi, vous pouvez y
parvenir ». L’effet contagion peut suivre. Bien rusé le président qui se
maintiendra contre le gré de ses gouvernés, comme à leur issue. Bien dociles
les peuples qui demeureront calfeutrés dans leur peur des représailles, ces
obstacles sur le chemin de sa liberté.
Espérons que la révolution burkinabè ne soit pas un printemps noir, terme d’ailleurs
insignifiant sous les tropiques, mais bien une révolution contagieuse s’étendant
au-delà du pays et du continent.
Rodrigue Naortangar, sj.
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