lundi 1 septembre 2014

Déby n’est pas mort.


La rumeur l’a confirmé: On souhaite que l’homme fort du Tchad meure. On le perçoit comme une gangrène qui ronge à petit feu le pays de Toumaï, une gangrène qu’il faut extirper pour le bien de ce pays plein d’opportunités. Déby est affublé de tous les maux et qualificatifs imaginables. Les réseaux sociaux s’adonnent à cœur joie à la dialectique info-intox, eux qui sont plus libres que les médias nationaux et même internationaux, eux qui sont moins « liés »que ces médias trop souvent muselés par les protecteurs et thuriféraires du palais rose.

Cette haine exprimée à l’encontre de l’individu Déby brouille le bon sens de ceux qui sentent dans leurs tripes les injustices du système instauré et entretenu par le parti de Bamina. Ce qu’il faut extirper, ce n’est pas un homme, car il est malsain de souhaiter la mort d’une personne humaine. Mieux vaut le tenir comptable de ses méfaits devant la justice. Ce qu’il faut extirper, c’est le système.

Les révolutions arabes tantôt appelées « printemps arabe », tantôt désignées d’« hiver arabe » nous apprennent au moins une chose : s’il est vrai que le tyran peut être « dégommé » rapidement, il est bien plus difficile de mettre en place un nouveau système à la mesure des sacrifices consenties et des espérances. Fort de cette leçon, il faut en convenir, pour ce qui est du cas du Tchad, que la mort de l’individu Déby viendra surement, comme cela est le cas pour tout mortel ; mais la mort du « système Déby » aura la peau dure. Ce n’est pas la violence qui en viendra à bout. Les protecteurs et les thuriféraires de ce système sont rompus dans les jeux de bras de fer et dans la ruse. Même s’ils se détournent de Déby pour le faire tomber, ils perpétreront le système sous un autre nom.

L’histoire du Tchad, comme partout ailleurs, a montré que les divisions ont profité aux tyrans. Les récits des vrais héros unificateurs et pacificateurs sont bien peu connus chez nous. Et pourtant, c’est la persévérance de ces gens que l’histoire oublie trop souvent, ces gens qui, envers et contre tous, sont pour l’unité, le travail et le progrès, ces gens qui refusent de céder à la solution facile pour prendre des forces auprès de la petite lueur d’espoir, une lueur qu’ils s’engagent à transformer en un feu embrasant. Ce sont ceux là qui entrent vraiment dans l’histoire. Ce ne sont pas ceux qui soulèvent des populations, les manipulent puis les massacrent pour leurs propres intérêts mesquins qui sont les vrais héros. Ils ne sont que des héros d’un instant. On les loue tant qu’ils ont la force et le pouvoir. On les honni dès qu’ils montrent des signes de faiblesse et deviennent impuissants. Seuls ces femmes et hommes, ces corps et associations, ces amitiés et liens inclusifs qui unissent, motivent et offrent des opportunités d’épanouissement à tous les tchadiens sans distinctions, seule eux peuvent vraiment venir à bout du « système Déby ».

Non, Déby n’est pas mort, encore moins le « système Déby ». Ce qui peine à naitre, ce sont des héros pacificateurs et unificateurs qui savent se serrer les coudes pour faire du Tchad un pays d’opportunités pour tous.
Rodrigue Naortangar, SJ.

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