mardi 7 avril 2009

L’Africain : « viveur » ou protecteur de la vie ?



« On se demande si l’abstinence est une solution contre le Sida en Afrique ». Cette phrase de l’envoyée spéciale de France 24 en Angola, lors de la visite du pape Benoît XVI dans ce pays, trahit le préjugé persistant de l’Africain incapable de gérer convenablement sa sexualité. Franz Fanon, déjà dans les années 50, le faisait remarquer dans Peau noire, masques blanc.

Ce préjugé véhicule le cliché de l’Africain quelque peu arriérée en matière sexuelle. La pudeur affichée de l’homme noir n’est là que pour cacher son imaginaire friand d’érotisme. D’ailleurs l’art africain n’est-elle pas plein de symbolisme phallique, ne célèbre-t-il pas la fécondité et par là l’acte sexuel ? Pourquoi le Sida s’est-il répandu rapidement en Afrique, si ce n’est à cause du penchant viscéral du Negro pour le plaisir du bas-ventre ? Ce préjugé n’est exprimé que rarement de manière aussi ouverte dans les media. Le risque est grand de choquer. Il est exprimé par à coups, par des voies détournées et souvent sous la couverture d’une bonne cause, consciemment ou inconsciemment. Quoi qu’il en soit, il est communiqué, tant et si bien qu’il trouve des adeptes même au nombre des Africains. C’est qu’on n’a pas toujours le temps de débusquer la supercherie : le sens critique déserte de plus en plus le monde des auditeurs, des téléspectateurs et des internautes. Le remous médiatique contre les propos du pape sur l’usage des préservatifs, remous qui a fait de férus convertis au nombre des Africains est là pour l’illustrer. On a fustigé les propos du pape, sans se rendre compte que cette attitude corrobore le préjugé de l’Africain incontinent qui doit nécessairement faire usage du préservatif pour éviter d’être contaminé par le VIH.

On pourrait en appeler au réveil du sens critique vis-à-vis de ce que distillent les media. Mais cela n’est-il pas illusoire, vu leur énorme pouvoir de persuasion et leur influence incontestable sur des communautés entière, voire sur le cours des événements ? La déconstruction de ce préjugé pourra être amorcée, nous semble-t-il, par la valorisation de l’incommensurable richesse morale de l’âme africaine, toute ancrée dans la défense de la vie. Le mal, c’est ce qui détruit la vie individuelle et communautaire. Le bien, c’est ce qui participe à sa croissance. La vie était rituellement et spirituellement célébrée, dans l’Afrique traditionnelle, à l’occasion d’une naissance, de la récolte, du mariage. Elle continue à l’être, malgré la profonde mutation culturelle des sociétés africaines, à travers la soif de la fécondité, une éducation aux valeurs moraux surs car éprouvées par l’expérience séculaire des communautés humaines, l’opposition majoritaire sur le continent vis-à-vis des pratiques sexuelles qui n’aboutissent pas à la vie, à l’exemple de l’homosexualité etc. Cette morale de la vie est aussi celle de l’Eglise catholique, à cette différence près, qu’elle découle de la révélation chrétienne. C’est aussi la morale des grandes religions qui, selon leurs perspectives propres protègent la vie.

Une morale de la vie ne peut pas pousser à la mort. Appeler les Africains à son observance, c’est-à-dire à préserver la vie en s’abstenant de tout acte sexuel qui peut nuire à la vie, ce n’est pas les pousser à la mort. C’est les emmener à communier à leur morale profonde. Favoriser en Afrique la lutte contre la pauvreté, l’accès à une bonne éducation, la paix, la stabilité politique et économique ; par voie de conséquence favoriser l’épanouissement moral de peuples entiers et ainsi lutter contre les causes profondes du Sida en Afrique, cela est bien plus efficace que la simple recommandation, tambour battant, de l’usage du préservatif tout en nourrissant le faux préjugé de l’Africain « viveur » insouciant.


Naortangar Rodrigue, sj.

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